III - Je cherche un agent


. 1 - Je cherche, je trouve ?


Ca y est. Tu gagnes de l’argent avec la photo, tu as des clients, un bon réseau et tu commences à perdre sacrément du temps à gérer tes options et ta paperasse (devis, contrats, bons de commande, factures, etc). Tu te demandes aussi quelle orientation donner à ton travail ? Quelles images garder, lesquelles jeter ? Comment te développer ou te renouveler ? Comment t’améliorer ? 
Peut-être est-il temps de songer à prendre un agent… mais comment trouver un agent ?(NB : tu as compris ce sur quoi je voulais implicitement insister ? Je voulais bien dire qu’avant d’avoir terminé les chapitres I et  II ça sert à RIEN de chercher un agent ! Ok ? Marre des kids qui m’envoient des liens pourris vers leurs travaux de deuxième trimestre d’école privée.)
Tu peux trouver un bon gros listing d’agents très installés sur lebook.com (site qu’on ne présente plus) mais attention, c’est plutôt high standard, de la grosse agence, des gros photographes, des gros budgets.
Plein de questions se profilent déjà : vaut-il mieux être le petit chez un gros agent ou la locomotive chez un agent plus modeste ? Personne n’a la réponse, je te préviens.
Sinon, tu as le site des agents associés, http://www.lesagentsassocies.org/, sorte de syndicat des agents, photographes et illustrateurs. Tu peux aussi chercher via les sites des photographes que tu aimes - ou pas - rubrique “contact” ou très bêtement via google hein.
Les agents font tout pour que leurs sites aient une bonne visibilité, ce n’est donc pas dur dur de les débusquer.
Une fois que tu as établi ta liste d’agences à démarcher, tu envoies par mail une présentation, simple, claire et efficace à l’agent.
Note qu’il n’y a pas de “formalités à accomplir” pour rentrer dans une agence, ou encore moins de “place à pourvoir”. Je te conseillerais de bannir de ton vocabulaire ces termes très Pôle-Emploi. Pas besoin de dire que tu as un Nikon D-quelque chose ou tant d’objectifs et 2 flashs (vu en vrai !), nous, on s’en cogne. On est dans quelque chose de beaucoup plus informel ici, on parle de rencontre intuitu personae plutôt que d’entretien d’embauche, tu vois ? Tu montres ton travail, ton oeuvre, tu cherches une collaboration. Tu n’être pas en train de faire des courbettes à un DRH en cravate.
Mais ne tombe pas dans l’excès inverse non plus, on n’est pas ton pote et on n’est pas nécessairement cool.
Evite aussi de passer à l’improviste au bureau d’un agent avec ton book sous le bras, de harceler l’agent qui ne t’a pas répondu (il est très occupé l’agent si tout se passe bien).
Passé ce premier email, ce premier coup de fil, s’il ne se passe rien, laisse couler. Contente-toi d’envoyer ta newsletter polie (pas plus que mensuelle !) pour annoncer tes nouveautés et graver ton nom, tout doucement mais tout sûrement, dans la tête du tout ceux qui comptent dans la comm’ ! Ne sois jamais lourd, please, ne sois jamais lourd.


. 2 - Mon agent, ce quart de Dieu


Wow putain j’ai rendez-vous avec un agent, t’es-tu exclamé un beau jour.
Bravo. Comment ça s’est passé ?
Un agent qui veut te rencontrer, c’est un bon signe, c’est même un très bon signe. Mais ce n’est pas encore dans la poche. Il se peut que le courant ne passe pas si bien, que ton book paraisse un peu faiblard sur la longueur, il se peut que ton caractère rebute, que l'agence soit déjà full, que tu marches sur les plate-bandes d'un photographe déjà représenté… mais il se peut aussi que ça le fasse et que tu rentres dans une agence, re-yeah !
Quand tu es représenté par un agent, sache que tu as plutôt rarement un contrat. Ce qui prévaut, encore de nos jours et comme dans tout le droit commercial, c’est “la parole vaut contrat”.
Tu es donc officiellement chez un agent quand il t’ajoute sur son site et qu'il commence à démarcher avec ton book sous le bras. Ni plus ni moins. Cela dit, vous avez l’un envers l’autre de vrais devoirs à respecter, assez basiques les devoirs hein. L’agent doit démarcher pour toi et ne pas t’entuber sur les commissions et toi, tu dois fournir des images à ton agent, être disponible pour des boulots et tu ne dois pas shooter dans le dos de ton agent si on te contacte en direct.
Attention : je ne pense pas que ça te concerne avant un bon bout de temps mais chez certains HUGE agents internationaux, il y a un droit d’entrée à payer (entre 10 000 et 15 000 $) pour couvrir les menus frais de salons, de cartes (et beaucoup pour le prestige). Sinon c'est gratuit d'avoir un agent, hein. 
Des participations exceptionnelles peuvent t’être demandées pour acheter des pages dans le book.com, dans Luerzer’s Archive, pour organiser des petites sauteries (tout est RP ici n’oublie pas)…

Un agent va pouvoir faire ça pour toi :

- t’aider et te guider dans la constitution et l’orientation à donner à ton book, ce qui passera très certainement par un bon écrémage de ta production. Moi, tu vois, je me suis fixé une règle simple : ne pas montrer de photos qui ont plus de deux ans. Si tu ne peux pas appliquer cette règle à un book, si les dernières photos ne sont pas meilleures que celles d’il y a trois ans, c'est qu'il y a un souci. 
- prospecter partout là où il pressent que tes images pourraient faire mouche
- montrer ton travail, parler de ton travail, louer ton travail à qui veut l’entendre
- fixer avec toi un prix à la journée, selon ton XP, selon le domaine que tu as choisi (la nature morte rapporte moins que la beauté, c’est tout c’est comme ça), et en tenant également compte du marché actuel
- t’aider à produire des séries persos et des éditos en passant les coups de fil qui vont bien pour trouver, à gratuit ou presque, les studios, mannequins… (attention, ça ne rapporte rien ou si peu les éditos alors il ne faut pas non plus que ça bouffe toute la journée de ton agent)
- réaliser des devis de production, main dans la main avec toi, quand tu es demandé sur un projet. T’entourer d’une équipe, te conseiller, organiser les plannings, te préserver des âpres discussions financières ou juste farfelues avec l’agence.
- fixer un tarif pour les droits d’utilisation de ton travail (souvent, ça, t’as jamais su faire tout seul) et relire et négocier tes contrats avec les clients.
- t’accompagner aux briefs et aux réunions de pré-pro. De un, parce qu’il a peur que tu dises des conneries plus grosses que toi devant le client, de deux parce qu’il prendra des notes et posera des questions très terre-à-terre auxquelles tu n’aimes pas penser ($$$)
- t’accompagner sur tes prises de vues (cf point précédent)
- t’appeler pour ton anniversaire
- t'aimer, d'une certaine façon

Ce que tu dois faire pour ton agent :
- fournir régulièrement des images fraîches pour le site et ton book de tirages (images persos ou de commande, on s’en fout presque, ce qui compte le plus c’est renouveler ton book ad lib.)
- donner ton planning à ton agent
- répondre au téléphone, partout, tout le temps parce qu’il peut avoir une question cruciale à te poser. Tu n’as pas vraiment de vacances hein, jamais.
- checker tes emails 35 fois / heure parce que s’il t’envoie la maquette de la prochaine HUGE campagne à gros budget, il aime que tu sois réactif, parce que lui-même aime être réactif et que les gens de la pub s’attendent à ce que tout le monde soit réactif. Tu peux perdre un projet en ne répondant pas les deux heures, si, si, ça s’est vu.
- être courtois avec lui autant qu’avec les clients.
- ne pas foirer les shoots (venir à l’heure, avoir checké ton matos avant, être poli, faire de belles photos, savoir proposer des solutions et accepter celle du client, traiter l’équipe correctement, maîtriser ton art et ton caractère, ahah !). 
- ne pas lui mettre inutilement la pression (mec, faut que tu me trouves un job là, tout de suite, dans la seconde, j’ai cramé 1 500 boules de coke le mois dernier j’ai plus rien. Ou bien - en version plus senior - merde, trouve-moi un job là, tout de suite, dans la seconde, j’ai oublié de mettre de côté pour l’ISF j’ai plus rien).
- ne pas pleurer au téléphone si tu n’es pas confirmé sur un projet auquel tu croyais. C’est pas cool, mais cheer up bordel ! Le quotidien de ton agent est fait de non-confirmation-de-projets-auxquels-on-croyait alors ne viens pas en remettre une couche ton ego blessé et ton début d’aigreur. 
- l’appeler pour son anniversaire
- l'aimer, d'une certaine façon

Moi ça me semble réglo.

Ton agent prendra 25 % de tes honoraires. C’est (censé être) le même barème dans toute la profession. Plus tu gagnes, plus il gagne. Vous “regardez dans la même direction” comme dirait St Ex’. C’est super honnête. Y’a pas plus beau métier dans tout l’univers. Les agents sont des gens fondamentalement bons qui trient leur poubelle et recyclent leurs capsules de Nespresso. Les mères veulent que leurs filles épousent des agents. Un agent c’est un rayon de bonheur dans la ruche de la publicité. Pardon, je…

Ton agent prendra aussi entre 25 % et 50 % de tes droits d’utilisation. Ne fais pas cette tête, si on t’avait laissé faire, tu n’aurais même pas pensé à en demander à ton client, des droits d’utilisation.

Petite note pour tête de linotte : j’ai vu de mes yeux vu des agents malhonnêtes.
Oui, oui, oui, je sais c’est à peine croyable. Du vice caché là où on ne l’attendait vraiment pas, et pourtant… J’ai vu des agents filous, qui margent selon leurs besoins - pas selon le barème - des agents qui ne disent pas tout, des agents qui en mettent à gauche. Des agents qui se sucrent sur tes frêles épaules de photographe… Ahlàlà, ça m’fait mal au coeur. Et comment tu sais si ton agent est filou ? Pas facile à dire. Un indice ? Si sa gestion te semble opaque, si tu le sens embrouillé dans les chiffres, s’il devient tout pâle quand un budget est discuté publiquement en réunion, s'il te demande combien tu veux pour le boulot mais jamais combien il obtient... 
Il y a aussi des agents qui sont tellement profondément malhonnêtes qu'ils ne t'entubent pas seulement sur l'argent mais aussi sur l'image. Oui, je sais, encore plus dingue, mais je l'ai vu : des agents qui te descendent publiquement devant les acheteuses et leur conseillent de bosser avec quelqu'un d'autre (de leur agence). C'est loin d'être la règle mais ça existe et c'est lamentable. Ca m’fait passer un voile tout terne sur les yeux quand j’y repense, tiens. 

Note 2016 : Là je viens de réaliser un truc. On s’attend toujours à ce que les agents et producteurs aient un côté opaque, voire véreux (alors que pas tous, bref.) Mais là, je viens d’apprendre quoi ? Qu’un photographe fraude les Agessa, l’Urssaf et émet de fausses factures depuis 2 ans, à la cool, décontracté du gland. Chacun est donc invité à balayer devant sa porte. Y’a des chiens sans race des deux côtés.

Souris et va directement en IV, ne t’attarde pas sur la case coke, n’oublie pas de reverser ta TVA.